La route des vins de Corse
Il est rare que soit donnée aux amateurs de vins l’occasion de goûter un vin corse hors de l’île , en effet, 80 % de la production est consommée sur place. La dénomination poétique « vin de pays de l’île de Beauté » désigne un vin de pays qui constitue les quatre cinquièmes de la production. Le cinquième restant a obtenu son statut d’appellation. Pour visiter les vignobles de l’île, il faut prendre des routes sinueuses et des chemins poussiéreux qui semblent ne conduire nulle part. Puis, soudain, apparaît un domaine ! Il peut-être appartient à un représentant de cette nouvelle génération de viticulteurs, décidés à produire avec des cépages traditionnels des vins de caractère et de grande qualité.
En 565 av. J.-C., les Phéniciens fondèrent sur la côte est de l’île la ville d’Alalia (l’actuelle Aléria), ce sont eux qui, les premiers, se rendirent compte du potentiel local à produire de bons vins. Comme d’habitude, c’est Rome qui marqua le point dans les années 100 av. J.-C., en ordonnant à quelques centurions à la retraite d’aller s’installer en Corse. Au XVI siècle, sous l’occupation génoise, la culture de la vigne connut son âge d’or. En 1850, la Corse possédait 20 000 ha de vignes, les trois quarts de sa population vivant de cette activité. Mais à peine 50 ans plus tard, le phylloxéra dévasta les vignobles et la culture de la vigne connut, comme celle des châtaigniers, un nouveau coup dur après la Première Guerre mondiale. l’exode rural faillit lui donner le coup de grâce. Pourtant, dans les années 60, les colons revenus d’Algérie se mirent à replanter de la vigne. Malheureusement, pour sélectionner les cépages, ils ne se fixèrent que sur un seul critère de choix: la quantité, le plus fort rendement. Une décennie plus tard, une nouvelle génération de viticulteurs commença à lui préférer la qualité des vins, ils plantèrent des cépages locaux et modernisèrent les équipements dans les chais. À l’heure actuelle, la Corse possède 8 100 ha de vignes, dont 2 200 ha sont classés en appellation d’origine contrôlée. La chaptalisation et le mouillage sont interdits. Les vins rouges représentent 50 %, les blancs 10 % et les rosés 40 % de la production.
La topographie de l’île joue un rôle pour le moins aussi important dans la culture de la vigne que le climat ou la nature des sols. Les parcelles gagnées sur cette « montagne dans la mer » bénéficient de la protection que leur assurent les fortes dénivellations. La Méditerranée absorbe les fortes chaleurs d’été pendant la journée et les restitue au cours de la nuit. Le Sirocco, ce vent d’origine saharienne, souffle toute l’année, en particulier dans la région de Patrimonio et tempère la canicule d’été. Sur le plan géologique, l’île est une mosaïque de schiste, de greis, de sables marneux, d’argile, de calcaire et de granit, qui composent les sols de la plupart des vignobles. Une vingtaine de cépages ont été plantés et parmi eux : cinsault, ugni blanc, syrah, carignan, grenache, merlot et alicante, mais les trois cépages qui se détachent nettement du lot, sont d’origine italienne.
Ce sont le vermentino (pour les blancs), que l’on appelle aussi « malvoisie » en Corse, connu en Provence sous le nom de rolle. Souvent riche en alcool, il offre un bouquet floral et laisse en bouche une sensation d’ampleur, liée à un parfum d’amandes et de pommes. C’est dans le nord qu’il produit les meilleurs vins. Le nielluccio rouge est identique au sangiovese, le célèbre cépage du chianti. Planté surtout à Patrimonio et sur la côte est de la Corse, il donne des vins charpentés, ä la robe sombre, aux aromes de réglisse et d’épices. Le sciacarello rouge est le principal cépage dans la région d’Ajaccio , et ses vins rosés ont le parfum des herbes sauvages du maquis ; son goût est légèrement poivré. On le trouve souvent en assemblage avec d’autres cépages qui lui apportent un peu plus de rondeur.