Une petite histoire du vin
Depuis longtemps, nous vous présentons ici chaque semaine des vins de qualité, ainsi que l’histoire qui les accompagne. Aujourd’hui, nous aimerions vous parler de leur histoire commune, celle qui a rendu leur apparition possible. En savourant votre prochain verre, vous ne dégusterez ainsi plus seulement un cru de telle ou telle année : vous saurez que du haut de votre verre, soixante-dix siècles vous contemplent ! Voici donc pour vous une petite histoire de la vigne et du vin.
Si les premières formes de vigne remontent sans doute au début du Tertiaire (vers -65 millions d’années), les vignes actuelles sont quant à elles issues d’une souche ayant résisté aux glaciations du Quaternaire dans le sanctuaire du Caucase, où naquit le vin vers -5400 à -5000 ans avant notre ère (du moins, selon les connaissances archéologiques actuelles). C’est à partir de ce lieu qu’entre -5000 et -1000, la vigne gagna progressivement l’ensemble du Croissant fertile. Pour autant, le succès ne fut pas foudroyant : tout le Proche-Orient ne se lança pas dans la culture vitivinicole (la Mésopotamie consommant plus volontiers de la bière et réservant le vin à l’aristocratie).
Le vin trouva véritablement ses terres d’élection en Êgypte (entre -1500 et -1000), en Grèce et surtout chez les Romains, qui découvrirent le vin grâce à l’hellénisation et le diffusèrent dans toute l’Europe occidentale. Ce sont eux qui inventèrent le concept de grand vin et hiérarchisèrent les crus selon leur qualité.
Au Moyen Âge, ce fut le clergé d’abord, puis la noblesse et la bourgeoisie ensuite, qui prirent le relais par l’intermédiaire des monastères. Au caractère essentiellement méditerranéen du monde du vin antique succèda une pluralité des centres de production. De nouvelles régions, appelées à de grands destins, se développèrent, à commencer par Bordeaux, grâce à l’union dynastique de l’Aquitaine et de l’Angleterre, et la Bourgogne, grâce aux ducs.
Puis le désenclavement planétaire, œuvre des marines marchandes européennes, à l’époque moderne, transporta la vigne et la production de vins sur de nouveaux continents: l’Amérique centrale, le Chili, l’Argentine au XVIe siècle; l’Afrique du Sud vers 1650; la Californie, l’Australie au XVIIIe siècle… Les XVIIe et XVIIIe siècles virent également naître à Bordeaux un nouveau style de vin, destiné à la garde et identifié à un cru. Mais la recherche de la qualité et la protection de l’origine ne se limitèrent pas aux rives de la Garonne. En 1716, en Italie, le duc Côme III de Médicis fit délimiter la zone de production du Chianti; en 1756, au Portugal, le marquis de Pombal s’attela à redresser l’organisation du marché du porto affecté par la crise.
Dans la première moitié du XIXe siècle, certains vignobles connurent un essor spectaculaire, notamment celui de Bordeaux qui fut couronné par le classement des vins réalisé pour l’Exposition universelle de 1855 et qui servit de modèle pour beaucoup d’autres viticultures, particulièrement dans la Rioja en Espagne. Mais, à la fin du XIXe siècle, le phylloxéra envahit les vignobles et provoqua une crise mondiale. Celle-ci débuta dans les pays de l’Europe occidentale avant de s’attaquer à l’Europe centrale et orientale. La France réagit en mettant en place un modèle d’organisation avec le système de l’appellation d’origine qui fut adopté par de nombreux pays. L’influence française se traduisit aussi par la création en 1923 de l’OIV: l’Organisation internationale de la vigne et du vin.
Les deux dernières décennies du XXe siècle furent marquées par la mondialisation, qui vit l’émergence de nouveaux vignobles et la remise en question du modèle français et européen: en 2000, les États-Unis d’Amérique quittèrent l’OIV et créerent une organisation parallèle d’inspiration libérale: le World Wine Trade Group. Mais la France, l’Europe, leurs vignobles et leurs vins respectifs conservent aujourd’hui encore leur pouvoir d’attraction, notamment auprès des Chinois.